Nestor Vornicescu

NESTOR VORNICESCU (1927-2000), personnalité ecclésiastique, sociale et culturelle d’importance exceptionnelle, auteur d’une œuvre impressionnante par ses dimensions, ses objectifs et résultats. Présence mémorable et organisateur d’importants débats doctrinaires, Nestor Vornicescu s’est formé dans l’atmosphère intellectuelle des monastères moldaves, en plein milieu du XXe siècle. L’érudition y avait encore un caractère spécial, presque secret. Originaire de Bessarabie, roumain des régions frontalières, donc « roumain de vieille souche», Nestor Vornicescu illustre brillamment une certaine orientation lunaire, mystérieuse, de clair-obscur, fournie par une roumanité dramatique, d’éternelle « Reconquista ». L’idée est évidente chez lui de révéler la tradition de littérature monastique, dans le contexte de la littérature générale et on est en même temps frappé par sa volonté de récupérer certaines couches ignorées, oubliées ou tombées dans l’oubli, mais encore accessibles, et de les faire irradier. L’on constate partout, dans une œuvre définie par sa force d’identifier les sujets nécessaires, un certain esprit de mystère, appartenant aux réalités révélées. Or, ces sujets ne sont pas peu nombreux et Nestor Vornicescu demeurera dans l’histoire de la culture roumaine par deux idées, au moins, qu’il a su exprimer brillamment, en les organisant sous une forme active. Il reformule l’idée proto-roumaine, déjà connue au plan de la chronologie (comprenant les auteurs d’expression latine du Bas-Danube et de l’espace daco-romain d’origine, des IV-VIe siècles) et, en lui offrant des développements ultérieurs, lui donne la force de s’imposer. Quant à l’idée des Saints Roumains, qui existait également, en tant qu’acte de consécration populaire, il lui donne la consistance d’une doctrine confirmée et non plus d’une oeuvre juste bonne pour les synaxes autochtones. C’est l’essence même de l’universel et nous entendons par là une « solution orthodoxe typique », dans laquelle local, autochtone et spécifique finissent par être des notions tout aussi irréductibles lorsque l’universel s’exprime à travers un lieu et une personne.

En dernière analyse, le mérite de cet auteur est, non pas d’avoir formulé ce qui l’avait déjà été antérieurement, mais d’avoir systématisé et organisé l’ensemble sous la forme d’une construction mémorable, d’en avoir fait un monument.

Hiérarque prestigieux, dont l’action a porté sur plusieurs dizaines d’années, Nestor Vornicescu est entré dans les ordres au monastère de Neamţ, ce qui en fait un représentant de l’esprit d’érudition de ce lieu de recueillement d’une impressionnante ancienneté. Supérieur du monastère « Saint Jean le Nouveau » de Suceava (1962-1966), puis du monastère de Neamţ (1966-1970), il devient évêque (1970), puis métropolite d’Olténie (1978) sur laquelle il veillera en véritable prince. Docteur en théologie (1983), membre de l’Académie Roumaine (1991) et de l’Académie des sciences de Kichinău (1992), délégué de la Conférence chrétienne pour la paix, il fut à la fois un historien à l’œuvre importante, un théologien et un irénologue de marque, ayant laissé des traces inoubliables dans la culture roumaine des années 2000.

Extrêmement documentée, son œuvre contient des centaines d’articles et études, des éditions et synthèses nombreuses, dont certaines sont d’une importance capitale pour le sujet dont il est question. De la vie et de l’œuvre de Saint Basile le Grand. 1979 ; La Libération , 1981 ; Les Ecrits patristiques dans l’Eglise orthodoxe roumaine jusqu’au XVIIe siècle. Sources, traductions, circulation. 1983 ; Les premiers écrits patristiques dans notre littérature, aux IV-XVIe siècles. 1984 ; Un philosophe roumain ancien à Histria, en Dobroudja : Aethicus Histricus, auteur d’une Cosmographie et d’un alphabet (IV-Ve siècle), 1986 ; « La pensée victorieuse ». Etudes de théologie historique roumaine, 1990 ; Etudes de théologie historique, 1998 ; L’un des premiers textes de littérature roumaine ancienne : « La passion des Saints Epictète et Astion » (à l’équilibre des III-IVe siècles), 1990 ; Le saint évêque Laurent de Novae, Ve siècle, 2000 ; Saints roumains et défenseurs de la foi ancestrale, 1987 ; Le saint hiérarque Movilă, métropolite de Kiev, de Galicie et de toute l’Ukraine. Etude hagiographique, 1999.

Sa monographie sur Michel le Brave, pour le quatrième centenaire de la mort du grand voïvode, conclut la série de ses œuvres imprimées, qu’il faudra pourtant compléter par la publication d’études peu connues, dont certaines sont inédites.

Etonnante par son caractère presque révélé, nous indiquant le temps propice et le nécessaire secrètement agencés, l’œuvre d’historien de Nestor Vornicescu est souvent évoquée à propos de ce que l’on appelle le proto-roumanisme.